Utiliser un crayon est synonyme d’expression. Les crayons servent à dessiner, à écrire et parfois à rien. Personne ne connaît l'avenir des crayons, on les achète sans savoir ce qu'il adviendra d'eux. On les regarde dans la boutique, leur mine taillée vers le ciel, ils attendent que nous les choisissions parmi tous les autres crayons. Mais nous ne nous sommes jamais véritablement demandé comment pouvait se sentir un crayon. S'il acceptait sa forme ou non. Le crayon est taillé pour écrire, pourquoi remettre en question cette profession ? Quel crayon voudrait un jour être fait d'un autre bois ? Plaçons-nous du point de vue d'un crayon.
Ce n'était pas tous les jours facile pour le crayon : parfois ses tracés étaient magnifiques, parfois ils avaient mauvaise mine. C’était dans ces moments-là qu'il prenait le risque de perdre son c.
Lorsqu’un jour comme les autres, l’accident survint : le crayon devint rayon, un rayon sensé. Il était source de savoir tandis qu'il ne c plus. Ses talents de tracé autrefois enviés ne se faisaient plus admirer par personne, le crayon n'avait plus son c et ne savait plus tracer.
Le crayon n'écrivait plus, devenu rayon, il fautait à chaque mot. Chaque mot sensé qu'il écrivait, sans c se retrouvait. Le cassez devint assez, le cramer devint ramer, le con devint on ... et plus aucun mot n'avait de sens mais en recouvrait un autre. Le chanter devint hanter, la cane devint âne … et les mots continuaient à se changer. Le crayon ne pouvait plus rien y faire et devait changer de métier.
Il s'essaya d'abord aux arts, pour rester dans les domaines qu'il connaissait. Le dessin lui semblait plus opportun et il commença sa première courbe. Mais sa courbe se fit trop droite et il dût tout recommencer. Le cercle devint carré et l'ovale sembla rectangle. Décidément le crayon n'arrivait plus à maîtriser la précision. Pourtant il s'efforçait de faire du mieux qu'il pouvait mais rien n’y faisait, il lui fallait tout reprendre depuis le début.
Le rayon eut une illumination, puisqu'il ne pouvait plus écrire, il pouvait s'instruire. Il apprit de nouveaux savoirs et comme il était un crayon sensé, rien n'était trop compliqué à assimiler. Lui qui connaissait bien la littérature, découvrit les mathématiques, il s'essaya aux nombres et plus particulièrement à la géométrie. Le rayon s'intéressa aux sphères, voulut les recopier mais eut un peu de mal dans la 3D. Puis le rayon se prit de passion pour l'astronomie. Il découvrit les planètes et le système solaire. De crayon sensé il devint rayon savant. Mais l'astronomie c'était bien beau, le rayon voyait plus grand. Il voyagea dans l'espace, repensant à tous ces mots qu'il avait écrits, toutes ces rimes qu'il avait ravies, toutes ces fautes qu'il avait commises depuis, grâce auxquels il gardait en réserve tout son plaisir d’antan d’écrire. Pourtant, seuls le papier et la couleur lui manquaient véritablement. Il repensa au taille-crayon et se dit qu'il avait décidément été taillé trop court et que plus rien ne tournerait rond à présent. Il pouvait maintenant voir les choses en grand et ne plus se concentrer sur un espace limité et teinté d'une sélection de couleusr qu'était le blanc. Devenu sensé, il n'avait maintenant plus toutes ces responsabilités, seul le destin qu'il écrivait pour lui-même comptait maintenant : un destin crayonnant. Le rayon se rapprochait à présent du soleil. Ce dernier était décidément bien plus grand que la feuille qu'il accusait précédemment, et bien plus jaune et chaleureux que le blanc neutre et standard qui la teintait. Par peur de se miner, il abandonna sa mine de lui même et fit face au soleil :
- Soleil, te voilà ! Tu ne rayonnes plus comme avant, il te manque de l'éclat. Je viens de loin pour ajouter ma touche de couleur dans ton jaune étincelant et espérer que celle-ci ravivera celle que tu as déjà.
Et ni une ni deux, le rayon s’enflamma, son bois devenu trop proche du soleil. Le rayon se sentit enfin à sa place, lorsqu'il rencontra les autres crayons sans c. Tous ensemble se dirigèrent vers la terre pour la réchauffer et l'éclairer. Un sourire éblouissant rayonna sur le visage du crayon sensé, qui put enfin éclairer les êtres et non les écrire.
Même l'objet à l'apparence la plus futile peut recouvrir les fonctions les plus utiles, il ne faut pas sous-estimer plus petit que nous sommes et en revanche donner une chance même à ceux qui ont échoué. On peut devenir qui on veut avec ce que l'on a et il ne faut jamais baisser les bras, même lorsqu'on est au plus bas.
Publication des textes primés du concours de nouvelles inter établissements par les lycées Fénelon, Henri-IV et Louis le Grand. Existe sous forme de livrets publiés par l'Ecole Estienne
2025 : 1er prix Lycée - Le crayon sans C - Valentine BOULAY - 1re 7 Henri-IV
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