2022 : 1er prix Lycée - Bêtamorphose - Adèle CRAMAIX - 2de3 Louis-le-Grand

La pluie a lavé la ville. Désormais, des nuages blancs et effilés passent à toute allure devant la fenêtre, juste en face de moi. Depuis une heure, je les regarde, essayant de ne pas penser à mon licenciement prochain, attendant qu’IL daigne me recevoir. Je ne connais pas l’exact motif de cette convocation mais pas besoin. Il est facile à deviner.

Trois semaines auparavant, nos salaires ont été baissés d’un quart. Il n’en a pas fallu plus pour rameuter les syndicats et générer des blocus.

Quoique.

Peu de personnes y sont allées. Fais pas le malin, qu’ils m’ont dit. Même Arnaud m’a laissé tomber.  « J’ai deux gosses à nourrir, je peux pas. ».

Moi j’y étais.

Deux jours.

Sous une pluie de mépris et d’indifférence.

La semaine d’après, le patron est passé dans mon bureau, sourire aux lèvres. Tu verras qu’il m’a dit. Aujourd’hui, j’y suis.

Quoi qu’il dise, garder la tête haute. C’est le plus important. Il ne doit pas voir. Il ne doit pas croire qu’il a gagné. Il doit croire que j’ai des plans, malgré le tampon rouge qu’il mettra sur mon dossier. Je trouverai.

Monsieur Lachaume, c’est à vous !

J’entre. Il me montre une chaise, je reste debout.

Mon cher Lachaume, savez-vous pourquoi vous êtes là ? Non. Il rit. Parlons, et simplement. Vous êtes un bon employé, savez-vous ? Menteur. Pour être franc avec vous, votre petit débordement du mois dernier m’a un peu attristé. Je crois comprendre que vous perdez confiance en nous. Rassurez-vous, bientôt, vous aurez la preuve que vous vous êtes trompé.

Etonnamment, je ne suis pas du tout rassuré par ses mots.

Il se penche sous son bureau et pose un grand carton devant moi. Ce simple effort semble l’essouffler au point qu’il me regarde plusieurs minutes sans rien dire.

Puis pointe un sourire mielleux.

Ouvrez. Allez-y.

Il faut bien.

Mes doigts parcourent le carton puis le fendent. A l’intérieur, un autre carton. La blague. Celui-là est coloré, façon publicité.

DX3W, l’ordinateur qui vous fera rêver !

Pas sûr de comprendre le rapport avec mon licenciement.

Mon cher Lachaume, vous n’êtes pas licencié, vous êtes élu. Vous avez gagné le droit de tester ce nouveau prototype ! Je m’explique. J’imagine que vous avez une télé, non ? Ah, bon… Vous ne connaissez pas la pub sur DX3W ? Ah oui, celle du métro. Non, je ne savais pas… En même temps je le prends tellement peu, ça me dégoute. Sourire. C’est donc un nouveau prototype qui, en plus d’être plus performant, a une particularité… Vous n’avez plus besoin de prise pour le brancher !

Mes sourcils se froncent, involontairement. Marque d’intérêt. Il en profite.

Ne soyez pas impatient, je vais vous expliquer.

 

Dans mon lit, les idées tournent en boucle dans ma tête. Le patron m’a expliqué leur nouvelle technologie. Leur ordi là. Pas besoin de le brancher à une prise. C’est sur nous qu’on le branche. Avec des sortes d’électrodes. Paraît que ça prend une infime quantité de notre énergie pour l’ordi.

J’arrive pas y croire. Je me suis laissé acheter par le patron avec un ordi dernière génération ? Après tout, ça peut être utile. J’aime pas l’idée de le brancher sur moi. J’en parlerai à Arnaud demain.

 

J’ai exposé le truc à Arnaud. Il pense comme moi. En plus optimiste. Tant que t’utilises pas leur option sans prise, ça craint pas. Pas faux. Je vais faire comme il dit. Ce qui serait intéressant, c’est de voir qui en a reçu. Trouve quelqu’un de confiance là-bas et enquête avec. Ouais. Pas si facile.

 

Matinée tranquille au bureau. Quand je croise un collègue supportable, j’essaie d’entamer une discussion, voir si je suis le seul à avoir reçu un prototype.

Je commence par ceux un peu réacs et ceux qui étaient au blocus. Pas facile avec les caméras de surveillance de paraître naturel quand tu parles d’un truc top secret. J’essaie d’y aller à mots couverts.

Nathalie, vient me voir. Elle me propose du café. Je l’aime bien, c’est une chouette fille. Elle est comptable de je n’ai jamais bien compris quoi. Je profite de ma pause pour l’inviter à sortir manger.

Dehors, je prends le risque.

-          Le patron t’aurait pas confié un ordinateur à tester par hasard ?

Regard interloqué. Bingo. Elle me demande si moi aussi. Bien sûr.

-          J’ai essayé d’interroger d’autres personnes, commence-t ’elle. Je pense que nous ne sommes pas les seuls mais impossible d’en savoir plus. Ce n’est pas évident pour moi de parler à des postes plus hauts placés, tu le sais.

Au moins, on est deux. Coïncidence ou pas, deux qui étaient présents au blocus du mois dernier. Et à tant d’autres. C’est d’ailleurs là qu’on s’est rencontrés. Nathalie et moi.

-          Tu vas essayer toi ?

Sa voix me ramène à la réalité.

-          Je sais pas je le sens pas ce truc.

 

Ironie du sort ? Quelques heures à peine après avoir à moitié prêté serment avec Nathalie, coup de fil du patron. Dans le métro. Dossier urgent à rendre, dans la demi-heure.

J’avais le choix ?

Je crois que la douleur est plus psychologique que physique. A peine plus fatigué que d’habitude. Même pas mal là où j’ai branché les électrodes.

Mais avoir flanché si vite… Franchement.

En même temps c’est peut-être pas si mal… je sais pas. Besoin de dormir.

 

Toujours pas digéré la veille mais ça va mieux. Tant que je ne recommence pas, c’est bon, non ?

Seul truc étrange, en faisant ma toilette, ce matin, j’ai senti dans ma nuque une plaque froide. Comme une croute mais lisse. Dure. Bizarre. Surement dormi dans une mauvaise position.

Au bureau, le patron vient me voir. Très bien votre dossier d’hier ! Je suis fier de vous. Tape amicale, comme à un chien ou un enfant obéissant. Sourire. Je me retiens.

 

A midi, on enquête à nouveau avec Nathalie. Trois nouvelles personnes. Deux qu’ont déjà essayé. Veulent pas en parler. J’ai du taf, ils ont dit. Marrant. D’habitude c’est pas les derniers quand il s’agit de trainer.

 

Je le déteste. De nouveau, dans le métro. Coup de fil du patron. Dossier urgent. J’ai fini mon taf à cette heure moi ! Le pire, je peux rien dire. Il agite mon licenciement, sous mon nez, en guise de menace. Avec son sourire mielleux.

 

Ça y est. C’est officiel. Maintenant je sors plus tôt du boulot. Je bosse dans le métro. Deux heures de trajet par jour, ça en fait de l’optimisation ! Je le hais. Un jour, je lui règlerai son compte.

 

Arnaud est révolté. Le pauvre. Il est dans un état depuis que je lui ai dit. Complot d’après lui. Même pas en rêve.

-          J’ai une idée.

Il dit ça les yeux illuminés. Pas rassurant.

-          Pourquoi tu le pète pas direct ton machin ?

-          Il me virerait.

-          Et ? Tu serais débarrassé, non ?

-          Tu sais où trouver du travail avec un tampon rouge ? Je bouffe comment moi ?

-          Je peux t’accueillir ou…

Il s’arrête. On le sait tous les deux. Il peut pas. Deux gosses. Comment tu veux nourrir un adulte en plus avec son salaire ?

-          Merci. Je vais faire ce qu’IL demande. Le temps de trouver une solution.

 

On continue l’enquête. C’est cool, maintenant on est trois. Un agent d’entretien, Pierre, nous a rejoint. Grâce à lui, on a trouvé plus de gens. Il récupère les poubelles à carton des étages et a pu localiser d’où venaient les cartons d’emballage.

12 personnes. Pour l’instant. Bizarrement, tous impliqués dans les blocus. D’une façon ou d’une autre.

Pierre dit que c’est sans doute un moyen de nous acheter, une façon pour l’entreprise de garantir qu’on bougera plus.

Pathétique. Ils croient vraiment qu’on va se contenter de conditions de travail pourries parce qu’ils nous offrent des trucs électroniques ?

 

Ça y est. J’ai passé le cap. Je ne me souviens plus du nombre de fois où j’ai utilisé leurs électrodes. Une dizaine ? Quinzaine ? Un truc comme ça.

C’est vrai que ça m’énerve. En même temps, qu’est-ce que j’y peux ? J’ai fait le maximum, non ? Alors ?

Y avait peut-être pas de rais0n. De s’énerver comme ça. Je me dis. C’était peut-être que p0ur le principe. Finalement.

 

Ce matin, Nathalie arrive avec deux n0uveaux. Ça commence à en faire des prénoms… J’arrive plus à tout retenir à f0rce.

Je v1ens d’avoir une idée. Je vais leur donner des numéros, en fonction de différents critères. Pierre, lui ça sera 041-175. Nathalie, 130-382.

 

C’est super prat1que le truc des numér0s ! Maintenant, je peux donner un n0m à n’importe qui de l’entreprise. Sais pas pourqu0i je n’y avais pas pensé avant.

 

Je me su1s disputé avec Arnaud. F1n pas vraiment mais 0n s’est qu1ttés sur un fr01d. je cr01s qu’1l a pas a1mé l’1dée des ch1ffres. Peut-être qu’1l éta1t juste 1nqu1êt… va sav01r. Depu1s quelques j0urs, je le c0mprends de m01ns en –

D’a1lleurs, je pensa1s l’appeler 030-476.

 

H1er, le Patr0n e$t venu me v01r. je lu1 a1 parlé de m0n 1dée. De changer le$ prén0ms. En c0de$. B0nne 1dée, 1l m’a d1t. c’e$t b1en Au m01n 1 qu1 me c0mprend

 

030-476 et 130-382 m’0nt appelé, h1er. 1l$ d1$ent qu’1ls $’1nqu1ètent

P0ur m01 De qu01 ? m01 je pen$e qu’1ls $e prennent la tête p0ur

r1en

De t0ute faç0n, 1ls se tr0mpa1ent t0us depu1$ le

début

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©’e$t vra1 qu’1l e$t pa$

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l’0rd1nateur . ˋ  trône  ˋ          .  $ur ma table, -   ,`.  ˈUne présence ,,   ˒    -  lan©1nante. ˒   ,  _

              D0ul0ureuse. ˉ    ˈ    ʻ     ˋ  Agaçante.           ,            ˎ  ˎ     . - . 

Ça ne sert plus à rien.

                                              ʺ                     ˒           -

Il est trop tard. Tu comprends ?

 

            `

Trop tard.

. . . - - - . . .

                        -                                                                       ˈ                                    ʼ       

 

Trop.

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,  .- .. -.. . --..  -- --- ..  ˊ..-  … ˏ ˎ-- ʼ .   -..  ˓    ˓

                        ʺ     ˓ ˒   ˋ

Tard.                 ˋ                     ˒.   .     `          ˓    ˒   ˋ         ˌ   ˉ    ˈ    - ʺ       ʻ     ˋ    ˒        - .   

ˎ                          ˎ. -                            .                       ˓                                   ˒ -           -  .                ˒          -  .     -    ˈ   ʼ                  ,           .                        ˎ                     ˋ    ..                ʻ             ˋ    ˌ              ˉ                       ˈ       ʺ                          ˋ     ˒.              .                         ` 

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